J'aimerais qu'on nous explique. J'ai comme tout le monde, ressenti de la compassion pour l'homme malade, gravement atteint et très diminué. Cette terrible photo a fait des ravages. Dans quel but cette sinistre mise en scène et ce cadeau d'accueil bizarre à un hôte étranger ?
J'ai été blessé comme tous les Algériens, par la goujaterie du jeune Premier Ministre Français et j'ai compris qu'en affichant ostensiblement la photo pitoyable du Président Bouteflika, il exprimait avec un art consommé de la litote, l'hostilité qu'il n'a jamais cachée à l'égard des musulmans en général et de l'Algérie en particulier. Cela m'a rappelé le fameux adage qui dit qu'en France, la Droite n'aime pas les arabes et les Socialistes n'aiment pas les musulmans. Et comme Monsieur Valls est un socialiste de Droite, on devine qu'en accumulant les deux tares, on s'attire les foudres du Catalan et sa haine non dissimulée des immigrés.
Mais ne lui jetons pas la pierre puisque nos gouvernants lui ont tendu le bâton pour nous faire battre. C'est à nous d'essayer de comprendre.
Les usages et les règles protocolaires posent qu'un Chef d'Etat reçoit son homologue et exceptionnellement un Premier Ministre, selon le régime politique du pays et la notoriété reconnue de l'hôte et, sauf s'il est porteur d'un message personnel de son Président. Auquel cas, il sera reçu en tête-à-tête ou en comité restreint. Et on ne convoque la presse que si une annonce particulièrement importante doit être faite à l'issue de la rencontre. En l'occurrence, toutes ces règles ayant été bousculées et compte-tenu de l'indisponibilité de notre Président pour raisons de santé, on a pensé que si le chef de l'Etat, après avoir refusé de recevoir ses survivants compagnons d'armes, accepte de sortir de son exil forcé pour accueillir notre jeune invité, c'est pour donner plus de solennité à des annonces majeures. On connaît la suite. La montagne accoucha d'une souris et la souris en question allait faire beaucoup de dégâts.
L'apparition que tout le pays attendait fit l'effet d'un séisme. A cause du visiteur, le pays entier découvrait la réalité et ressentait une émotion considérable, l'ampleur de la supercherie et les affres de l'humiliation.
L'apparition d'un vieil homme en chaise roulante, le regard vide, le teint terreux et la bouche et les mains inexpressives, a suffi à provoquer une émotion considérable qui a fait oublier sur le coup, les rancoeurs accumulées et l'envie d'en découdre avec un chef hors de contrôle.
Et dire qu'on nous fait croire depuis des mois et des mois que le Président retiré en son palais, dirigeait les affaires de main de maître et souffrait d'être contraint de réduire ses apparitions sur les conseils de ses médecins, et éviter de s'épuiser en vaines palabres, confiées de ce fait à un entourage trié sur le volet et supposé éminemment compétent !
La supercherie est immense.
L'humiliation fut encore plus grande quand la photo-désastre publiée par le jeune Premier Ministre invité, donna lieu à des moqueries dans le pays ami, pour faire de nous quarante millions de moutons conduits par un berger cacochyme. Si on convoque des photographes c'est pour prendre des photos, pardi ! Pourquoi s'étonner de les voir publiées ? Il faut donc se poser des questions pour pointer la bêtise et ne pas s'endormir idiots.
Qui donc décide de l'agenda du Président et du choix des visiteurs ?
Sont-ce des visiteurs du soir, des conseillers occultes, un cabinet fantôme ou les habituels bateleurs ? Quels qu'ils soient, ils ne peuvent qu'être extrêmement puissants pour autoriser la visite à l'un et l'interdire à d'autres, surtout quand il s'agit de compagnons d'armes.
Qui donc a décidé d'exposer comme curiosité de foire un chef grabataire et dans quel dessein ?
Est-ce pour apporter la preuve que le commandeur est hors d'usage et qu'il est temps de lui trouver un remplaçant ?
Est-ce pour faire sortir du bois tous les prétendants à la succession ?
Est-ce sur ordre d'une puissance étrangère, pour préparer l'opinion à de prochaines initiatives ?
Ce remplaçant est-il déjà trouvé ?
Et la démocratie dans tout ça ?
Et les troubles après ça ?
Et l'armée dans tout ça ?
Toutes les conjectures sont permises.
L'histoire nous dira un jour peut-être, qu'il aura suffi d'une photo offerte au public dans une mise en scène maladroite ou machiavélique, pour créer un électrochoc et réveiller un peuple entier de sa torpeur.
The game is over.
En attendant, ayons l'honnêteté de nous en prendre à nous-mêmes et de ne pas en vouloir aux autres d'utiliser les images d'une cérémonie télévisée dont nous avons nous-mêmes réglé l'ordonnancement. Il ne faut pas souffler sur le feu et s'indigner des étincelles.
Aziz Benyahia
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Source : Algérie Focus
Date : April 22, 2016 at 09:55AM
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