dimanche 20 mars 2016

Décryptage/ Le commerce extérieur menacé par “le bricolage” de la Banque d’Algérie

Décryptage/ Le commerce extérieur menacé par

Branle-bas de combat dans le milieu de la finance à Alger. La dernière note de la Banque d'Algérie concernant le contrôle des importations a suscité de vives protestations. Sans aucune concertation et sans la moindre préparation, la Banque d'Algérie a imposé la pré-domiciliation électronique à tous les opérateurs économiques désireux d'importer ou d'exporter. Cette nouvelle mesure, qui date du 13 mars en cours, impose aux opérateurs économiques des démarches d'inscription sur le site web de leurs banques où ils domicilient leurs opérations de commerce extérieur. 

Cette mesure brutale a été décidée à la surprise générale, alors que les acteurs du secteur bancaire algérien n'ont guère été préparé pour sa mise en place. Les premières conséquences ne se sont pas faites attendre : l'Algérie fait face à des retards dans les livraisons de ses importation et risque de connaître des pénuries gravissimes qui toucheront surtout des secteurs névralgiques comme les médicaments pour les malades chroniques. De plus, la sécurité des données bancaires des opérateurs économiques est tout simplement menacée car les banques ne sont pas dotées d'un système informatique qui les protège des cyber-attaques, certifient de nombreux banquiers sur la place d'Alger.

"Il faut au moins six mois de tests pour procéder à la mise en place d'un tel système. Cette mesure est vraiment dangereuse car elle va bloquer le commerce extérieur de l'Algérie. C'est du bricolage dangereux", dénonce un banquier.

Tous les autres banquiers  sont unanimes sur le fait  que la dématérialisation et l'introduction du web dans les opérations  de commerce extérieur peut représenter une évolution notable et sera salvatrice pour notre économie à condition d'éviter toute confusion. Or, la dernière note que la Banque d'Algérie a adressé aux banques pour ordonner son application dés le 15 mars,  à 8h, relève de l'improvisation et "du bricolage qui s'érige en norme de gestion", dénoncent nos sources, selon lesquelles le "régulateur doit faire preuve de vision, de sens de la prospective au profit de l'économie nationale avant de prendre des décisions hâtives sans penser aux conditions de leur application".

 Que s'est-il passé exactement ?

La Banque d'Algérie a promulgué une mesure brutale et sans préparation aucune. Elle est tombée tel un couperet sur les banques paralysant du jour au lendemain le commerce extérieur du pays et donc, l'approvisionnement des populations en produits vitaux. Il semblerait que la portée et la gravité d'une telle décision n'a pas été mesurée. Le régulateur qui semble découvrir le monde du web – avec beaucoup de retard, les sites web de la Banque d'Algérie, de l'Association des banques et établissement financiers (l'ABEF) et du Ministère des finances  parlent  d'eux-même – croit avoir trouvé la panacée à travers la pré-domiciliation électronique.

Mais les conséquences certaines sur le quotidien des Algériens n'ont pas été pris en compte, car le pays est dépendant de l'extérieur pour les plus élémentaires des produits. Cela va des intrants nécessaires à la production d'huile végétale par exemple, aux pièces de rechange d'avion ou de voitures, sans parler des médicaments vitaux. Autre conséquence paradoxale, cette mesure suppose que les exportations d'hydrocarbures soient stoppées avec un manque à gagner certain se chiffrant en millions de dollars, sans oublier de citer l'importation de carburant nécessaire à nos déplacements quotidiens. La liste est longue, très longue car l'Algérie importe tout.

Comment on en est arrivé à un tel niveau d'indigence dans la prise de décision ? L'organisme interbancaire s'était fait l'écho, il y a quelques mois, de rumeurs sur l'entrée en vigueur d'une telle mesure, mais sans aucune action concrète et concertée pour amener la place à s'y conformer. Selon des banquiers qui ont témoigné sous le sceau de l'anonymat, l'ABEF depuis plus d'une quinzaine d'années s'est transformée en un refuge pour retraités du secteur bancaire qui y pantouflent sans réelle expertise pour mener des projets structurants. Mis à part l'art de l'esbroufe et du bavardage stérile et de la médiatisation à outrance, l'Abef ne s'est pas distinguée par une quelconque valeur ajoutée.

Mais il est vrai qu'il est difficile d'obtenir une approche Méthode Projet, démarche structurée, scientifique, et efficace, d'une équipe qui ne s'est pas distinguée par son efficacité ou sa compétence au sein de banques et organismes financiers, publics et  privés. Il est bon de rappeler aussi que l'actuel ministre des Finances a justement passé un certain temps à l'Abef en se distinguant par une sur-médiatisation, mais sans aucune expérience réelle de gestion ni logique d'efficacité.  Ni les responsables de l'ABEF ni le ministre des Finances n'ont jugé judicieux d'inscrire l'Algérie dans un système mondial comme le BOLERO au lieu de demander aux banques d'avoir uniquement un portail web pour poster des opérations, sans tenir compte des exigences en matière de sécurité  de l'information et les risques de cyber-criminalité, ni d'une phase tests requise avant le lancement d'une telle procédure sur le web et d'une autre phase tests pour initier  les opérateurs à l'utilisation de tels outils.

Les risques qu'encourt l'Algérie 

Le régulateur, la Banque d'Algérie en l'occurrence, mais aussi l'ABEF , auraient  pu dans leurs excès de zèle épargner les produits dits stratégiques en les exemptant de leur mesure surprenante. Le risque de voir des ruptures de stock de médicaments, denrées alimentaires, est réel, si la situation de blocage induite par cette mesure irréfléchie persiste. Nos sources persistent à affirmer qu'il aurait été, pourtant,  simple de se contenter de suivre l'exemple d'un projet structurant réalisé ces dernières années et mené à terme avec succès, dans la discrétion et l'efficacité, et sans médiatisation et autres fanfaronnades. Il s'agit des paiements de masse électronique RTGS qui avait été lancé en 2006/2007 par le ministère de la Reforme bancaires de l'époque.

Ce projet avait vu la mise en place d'une équipe technique pluridisciplinaire, avec des calendriers précis, des phases tests avant déploiement, validation des résultats, essais en réel, validation, puis déploiement effectif, et enfin comme dernière mesure après mise en production, abandon de la chambre de compensation interbancaire où les chèques et virements physiques étaient échangés manuellement. Il aurait tout simplement fallu s'en inspirer. Mais capitaliser ces expérience n'est, malheureusement, pas une qualité de nos dirigeants.

En somme, la mesure trahit l'incompétence et le sens du bricolage de ses initiateurs et thuriféraires du club des retraités de l'Abef. Le commerce extérieure algérien a besoin de régulation sérieuse et non pas de mesures qui consolident  l'échec ou qui transforment  une  solution en échec. Mais que peut-on attendre aujourd'hui quand il semble que la médiocrité soit généralisée. En pleurer ou en rire? Le sujet est tellement grave qu'il devient inqualifiable.

"Notre pays ne peut plus se permettre en 2016  de subir une gestion aussi hasardeuse de la chose bancaire. Les temps qui s'annoncent seront durs. La place bancaire a besoin d'un timonier fiable et qui ait de la vision et donne de la visibilité", déplore encore l'un des banquiers que nous avons interrogé. Notre interlocuteur, comme beaucoup d'autres, appellent à un véritable sursaut national contre la médiocrité constatée dans la gestion des finances du pays.

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Source : Algérie Focus
Date : March 20, 2016 at 11:38AM

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