mercredi 14 octobre 2015

La Justice de Madame Moufida Par Abdou Semmar

Ma photo week-end

A Ain Bénian, à l'ouest d'Alger, une coopérative immobilière redonne de l'espoir à ceux et celles qui cherchent désespérément un logement. Une femme que l'on appelle Madame Moufida, architecte de profession, promet à plusieurs familles de leur construire le logement de leur rêve. 

Elle publie un placard publicitaire dans les colonnes de la presse nationale et tente de séduire de potentiels petits acquéreurs voulant investir leurs économies dans une coopérative immobilière privée. Une dizaine de personnes se manifestent et répondent à l'appel de Madame Moufida. Celle-ci leur demande une première tranche de 360 mille dinars. Ensuite, elle revient à la charge pour les convaincre de verser une seconde tranche. Elle leur expose les plans des futurs logements et les assure de leur livraison dans les délais. Ses clients n'ont d'yeux que pour ces appartements aux maquettes alléchantes. Certains des coopérants de Madame Moufida ont sacrifié leurs bas de laine dans ce projet dans l'espoir d'être libérés une fois pour toute de la misère du mal-logement.

Mais le rêve vire rapidement au cauchemar. Les semaines s'égrènent. Les mois s'évanouissent. Et madame Moufida disparaît sans que les logements ne voient le jour. Le projet immobilier reste à l'état de maquette et les travaux n'ont jamais sérieusement avancé. Les souscripteurs s'inquiètent, paniquent. Après plusieurs jours de suspense, ils comprennent qu'ils ont été victimes d'une escroquerie. Madame Moufida a subtilisé pas moins de 20 milliards de centimes. Plusieurs plaintes sont déposées. Un procès s'ouvre à la cour de justice de Tipaza. Les preuves sont accablantes. Les pièces à conviction sont éloquentes. Le procès se déroule le plus normalement possible et tout le monde espère un châtiment exemplaire. Néanmoins, à la surprise générale, Madame Moufida s'en sort miraculeusement avec un verdict clément : une peine de deux ans de prison ferme. Oui, deux ans de prison pour avoir volé plus de 20 milliards de centimes ! Les cris de colère et d'indignation font trembler le tribunal à l'annonce du verdict.

Des dizaines de familles ruinées, des rêves évaporés et à la fin, Madame Moufida prend deux années de prison au terme desquelles elle retrouvera l'argent volé, transféré à l'étranger, vraisemblablement à Dubaï, selon des sources proches du dossier, pour couler ses derniers jours dans l'opulence et le confort. Mais comment un tel verdict a-t-il été rendu possible ? Les avocats de la défense enquêtent. Ils interpellent les juges et finissent par découvrir que le juge ayant pris l'affaire en main a passé un deal avec Madame Moufida : "tu me verses une partie de l'argent volé dans mon compte et je t'épargne les 5 années de prison que tu mérites" !

Une fois le marché conclu, le juge expédie l'affaire et Madame Moufida est assurée de retrouver sa liberté après deux ans au lieu des cinq ou six encourus. C'est la Justice de Madame Moufida. Un fléau ou plutôt une pathologie très répandue dans nos tribunaux. Rares sont les juges et magistrats qui le reconnaissent : la corruption ronge leur corporation. Dans les affaires du foncier, de litiges entre entreprises ou les conflits commerciaux, de nombreux magistrats rendent justice en fonction du poids des "sacs de frics".. La loi et son impartialité sont allègrement foulées du pied dans nombre de nos cours de Justice. Et les Madame Moufida s'en frottent les mains…

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Source : Algérie Focus
Date : October 13, 2015 at 03:07PM

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