dimanche 22 novembre 2015

Médicaments/ Enfin une politique industrielle efficace ?    

Médicaments/ Enfin une politique industrielle efficace ?    

Grâce à un marché en croissance rapide, une forte implication des investisseurs privés et un accompagnement des pouvoirs publics, l'industrie pharmaceutique algérienne marque des points et fait figure de modèle. Mais les blocages demeurent qui menacent le développement du secteur.

Les « succès »  de l'industrie algérienne du médicament au cours des dernières années en ont fait une activité souvent citée en exemple en matière de politique industrielle. Le marché algérien du médicament a en effet connu une dynamique tout à fait remarquable depuis 2010. Avec des taux de croissance moyens annuels de l'ordre de 12%. Ce marché  est évalué actuellement à environ  4 milliards  de dollars.
Cette situation est attribuée généralement  aux augmentations de salaires qui ont touché de larges couches de la population, à une demande vigoureuse en produits de santé, des budgets en forte hausse au niveau des structures publiques de santé et un système de remboursement efficace par les caisses de sécurité sociale.

À cela, il faut ajouter les progrès considérables accomplis par la production nationale qui connaît des taux de croissance annuels supérieurs à 17% depuis 2008. La couverture des besoins du marché par la production nationale est ainsi passée de 12% en 2004 à 43% en 2014. La filière pharmaceutique a été une des très rares à avoir pu renforcer ses parts de marché, l'importation ayant, comme chacun sait, submergé quasiment tous les secteurs de l'industrie algérienne.

Une politique industrielle efficace…

Ces progrès de l'industrie nationale sont dus à la forte implication des investisseurs privés dans cette filière stratégique mais aussi, il faut le souligner, aux mesures efficaces prises depuis 2008 pour protéger le marché national. Au chapitre de la stratégie mise en œuvre  par le secteur, les exemples le plus souvent mentionnés  sont  l'élaboration et la mise à jour régulière d'une  liste des produits interdits à l'importation. Même succès obtenu  avec  l'application des « tarifs de référence » qui favorisent  la vente des produits nationaux par les officines du fait du remboursement par la sécurité sociale à hauteur du prix du médicament  générique.

Baisse de la facture d'importation en 2015

Une stratégie qui a aussi permis en 2015  de réduire pour la première fois la facture d'importation de produits pharmaceutiques. Ces dernières ont  reculé à 1,3 milliard de dollars sur les 9 premiers mois de l'année 2015, contre 1,8 milliard sur la même période de l'année 2014, soit une baisse de  près de 25%. Les quantités de médicaments importées ont également connu  une baisse mais à un moindre rythme, s'établissant à 19 000 tonnes contre 22.000 tonnes (-14%). La facture des importations des produits pharmaceutiques avait atteint près de 2,6 milliards de dollars  en 2014, en hausse de 10 % par rapport à 2013.

Un bémol cependant, la baisse des importations relevées par les Douanes algériennes depuis le début de l'année ne doit pas  faire illusion. Elle n'est pas imputable principalement à la montée en puissance de la production nationale, mais surtout à un « effet de change ». Le dollar s'est sensiblement apprécié par rapport à l'euro ce qui fait baisser la facture d'importation des produits pharmaceutiques qui sont  essentiellement importés de l'UE.

Des objectifs ambitieux…

Les objectifs annoncés par les pouvoirs publics en matière de couverture des besoins nationaux en produits pharmaceutiques par la production nationale sont très ambitieux. Alors que ce taux vient de dépasser le seuil de 40%, les responsables gouvernementaux  prévoient une couverture à hauteur de 70% dès 2017, en se fondant sur les projets d'investissements approuvés ou en cours de réalisation .

Un exemple parmi plus d'une centaine de projets annoncés : le directeur général de SANOFI Algérie, M. Pierre Labbé, évoquait voici quelques jours  l'investissement en cours de réalisation à Sidi Abdellah qui  va permettre « de doubler la production  de l'entrepris, à partir de 2017, avec la production de 100 millions d'unités supplémentaires dont une partie devrait être exportée ». Une usine qui va porter, selon Pierre Labbé,  les « investissements réalisés par Sanofi  en Algérie à plus de 30% des engagements du groupe  sur l'ensemble du continent africain ».

…Mais les blocages demeurent

L'optimisme des pouvoirs publics n'est cependant pas partagé par tous les opérateurs. Le DG de Merinal, M. Nabil Mellah, qui a été pendant près de 12 ans à la direction de l'Unop, l'association des opérateurs du secteur,  évoque  un secteur étouffé par les lourdeurs administratives : « Nous avons beaucoup plus besoin de l'accord  de l'administration que n'importe quel autre secteur  industriel, nos prix sont fixés, nos produits doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché , etc. Or la fluidité fait cruellement défaut dans la relation entre les opérateurs et une administration qui prend tout son temps ».

Gestion du foncier : une instabilité chronique

Pour Nabil Mellah, les problèmes les plus graves sont ceux rencontrés dans la réalisation des investissements. «En Algérie il n'y a aucune visibilité sur le foncier». Rien qu'au cours des quelques dernières années, le secteur a dû faire face à une instabilité chronique de l'administration dans ce domaine . « Il a été confié d'abord au ministère de l'environnement, ensuite au ministère de l'Habitat,  avant de revenir au ministère de l'Industrie. Depuis quelques semaines on nous explique que le foncier industriel  relève désormais des attributions des walis. A chaque fois, il faut refaire les dossiers ». C'est ce qu'a fait le PDG de Merinal qui attends depuis plusieurs années le terrain qui pourra accueillir l'investissement de près de 40 millions d'euros prévu par son entreprise.

 Une situation dangereuse

Dans une interview récente, son successeur  à la tête de l'Unop, M. Abdelouahab Kerrar pointe également sans aucune concession les dangers qui menacent la filière à un stade critique de son développement. Le premier concerne l'absence de  révision des prix du médicament fabriqués localement qui sont figés administrativement pour une période de cinq années. « Avec l'inflation qui a touché les coûts salariaux et les coûts des intrants, et avec les retombées négatives des fluctuations du taux de change du dinar, ce gel de nos prix équivaut à une mise à mort programmée de la production nationale», ne craint pas d' affirmer M. Kerrar, qui dirige également les laboratoires Biopharm, l'une des plus importantes entreprises du secteur .

151  usines en cours de réalisation

Un autre danger menace la filière du médicament, selon le Président de l'Unop. Il s'agit du  devenir des « immenses investissements qui sont actuellement en phase de réalisation ». Il faut savoir, souligne M. Kerrar, que ce ne  sont pas moins de « 151 usines qui sont actuellement en phase de construction et qui devraient entrer en production au cours des  prochaines années. Manifestement, le marché national sera trop étroit pour cette offre en devenir, ce qui suppose dès à présent une stratégie nationale concertée en termes d'ouverture de marchés à l'extérieur de nos frontières. En l'absence d'une vision beaucoup plus affûtée du développement à long terme de notre filière, une grande part de ces investissements serait vouée à la casse », avertit le Président de l'Unop.

Hassan Haddouche

 

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Source : Algérie Focus
Date : November 22, 2015 at 09:08AM

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